Débat : faut-il ne montrer que ce qui est beau ?

Suite à mon entretien avec Yann Arthus-Bertrand, son appel à agir, à avoir une réflexion sur notre impact en tant qu’acteurs de la croissance et de la (sur-)consommation, je me suis posé cette question : faut-il montrer (ou continuer à montrer) notre planète sous son meilleur jour ?

L’esthétisme du photographe

En tant que photographes professionnels ou amateurs, nous avons tous une définition plus ou moins innée du beau. D’un certain côté, nous sommes tous des esthètes à la recherche de la “beauté évidente”, comme le disait Yann Arthus-Bertrand. Nous voulons capturer la “Beauté du Monde”, quitte à devenir des “Photographes de carte postale”.

Même si cela n’a évidemment rien de mal en soi, il reste que montrer toujours le meilleur aspect de notre planète occulte, d’une certaine manière, la maladie qui la ronge…

En tant que voyageur, j’aime découvrir des paysages incroyables et faire des photos d’endroits paradisiaques. Mais comme certainement beaucoup d’entre vous, je me rends compte qu’il est maintenant devenu impossible de trouver un paysage pur, exempt de toute pollution.

La réalité froide

Nous savons tous que depuis plusieurs années s’emballent pollution et contamination : les produits chimiques sont déversés dans les sols, les rivières et la mer et contaminent non seulement l’eau mais aussi les animaux qui y vivent, ainsi que ceux qui les mangent. Le mercure, le cyanure, ne sont que quelques exemples de ces polluants et métaux lourds qui se déversent délibérément ou accidentellement. Les milliers de milliards de résidus de plastiques ont fini par devenir tellement denses dans les océans qu’ils en forment des “continents”…

Mais nous continuons à montrer de belles photos à nos amis ou sur internet… Et je pense qu’à toujours vouloir cadrer de manière à éviter les déchets, ou à les effacer en post-traitement, nos photos insinuent dans l’esprit de ceux qui les regardent, même inconsciemment, l’idée que notre planète est belle. Et c’est vrai ! Ou c’était vrai… Mais les choses ont bien changées !

Il m’arrive parfois de penser que les optimistes sont les pires ennemis de notre planète. Pour eux, tout va bien.
Donc pourquoi agir ?

L’optimisme, le meilleur ennemi de notre planète ?

Vers une photo pessimiste ?

Je suis persuadé que si nous trouvions plus de photos montrant ces déchets, sur internet ou ailleurs, cela accélérerait la prise de conscience mondiale.

Essayez quelque chose : tapez “Maldives” dans Google Images. Que voyez-vous ? Le paradis. Des plages de sable blanc, pas un seul déchet. Et des gens heureux. Pourtant, nous savons tous qu’il n’en ai rien : aussi loin que l’on va, il est de nos jours impossible de trouver une plage sans déchets. Même ceux qui ne voyagent pas peuvent s’en rendre compte en regardant les émissions de télé-réalité comme “Koh Lanta”. Les plages où “survivent” les candidats sont remplies de déchets en tous genres, parfois très utiles d’ailleurs, à ces “naufragés” d’un nouveau genre.

En aparté, nous savons aussi que le bonheur des touristes affiché sur ces mêmes photos se fait généralement au dépit (voire au mépris) de celui de la population locale (main d’œuvre sous-payée, hausse du prix de l’immobilier, monopolisation des ressources, etc…). Maintenant, imaginez qu’en tapant la même requête, s’affichent des milliers de photos de déchets et de gens en souffrance. Ne croyez-vous pas que l’opinion publique en serait affectée ?

Alors, bien évidemment, je ne suis pas le premier à prôner la mise en lumière de la pollution dans nos photos et, fort heureusement, beaucoup de photographes dénoncent cet état de fait. Certains, tel Lu Guang n’hésitent pas à dénoncer publiquement la pollution générée par la surproduction en Chine (et a d’ailleurs gagné de nombreux prix pour son travail) quitte à s’attirer les foudres des gouvernants. Ainsi, Lu Guang a été arrêté en novembre 2018 par les autorités chinoises. Et nous sommes, à l’heure où j’écris ses lignes, toujours sans nouvelles de lui.

Dans un autre genre, Mandy Barker utilise le photo-montage de photos de déchets prises sur les plages ou dans l’océan pour dénoncer la pollution d’un monde toujours plus sale.

Ne devrions-nous pas tous suivre ces exemples et publier en masse de telles photos sur internet pour accélérer la prise de conscience ?

En écrivant cet article, je viens de prendre une décision : j’ai décidé de créer, sur mon site de photographies (fabienpichon.com), une nouvelle catégorie : Pollution, où je rassemblerai toutes les photos qui montrent la pollution et dont voici celles que j’ai trouvé pour l’instant :

A partir de maintenant, je m’engage à en faire plus et à les publier sur mon site.
Et vous, qu’en pensez vous ? Allez-vous, vous aussi, publier vos photos de pollution sur internet ? N’hésitez pas à dénoncer !

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